Sport : ce que la psychologie nous apprend sur les conduites à risque
Sport : ce que la psychologie nous apprend sur les conduites à risques Qu’est-ce qui motive certaines personnes à pratiquer des sports à risques ou
En faire des pages et des tirades sur ses compétences, c’est bien, mais savons-nous tout aussi bien parler de nos incompétences ? Car se savoir incompétent a des vertus que l’aveuglement ignore.
L’effet Dunning-Kruger
En 1999, les professeurs en psychologie David Dunning et Justin Kruger publient un article faisant suite à une série d’expériences auprès d’étudiants, au sujet d’un biais cognitif qui porte depuis leur nom : l’effet Dunning-Kruger[1]. Ce biais consiste pour les moins compétents dans un domaine à surestimer leur compétence, et pour les plus compétents à la sous-estimer. Non seulement les moins compétents tirent de mauvaises conclusions, mais ils ne se rendent pas compte de leur incompétence ! Selon les résultats des expériences de Dunning et Kruger, les incompétents ne se croient pas meilleurs que les compétents (ils ne se perçoivent pas d’ailleurs aussi bons que ceux qui sont vraiment meilleurs qu’eux), mais le décalage entre la perception des compétences et le niveau réel est d’autant plus grand que l’incompétence est marquée : les personnes incompétentes se croient meilleures que ce qu’elles sont en réalité.
Ces auteurs justifient cette absence de prise de conscience à un déficit en compétences méta-cognitives (connaissance de ses connaissances). Comme s’il n’y avait pas, à y regarder de plus près, de saut vers la deuxième étape des 4 phases d’apprentissage de Maslow : d’abord l’incompétence inconsciente (je ne sais pas que je ne sais pas), puis l’incompétence consciente (je sais que je ne sais pas), suivie de la compétence consciente (je sais que je sais) et enfin la compétence inconsciente (je ne sais plus que je sais).
Le chercheur en psychologie Tal Yakorni a publié sur son blog une revue critique quant aux explications de l’effet Dunning-Kruger. Citant l’étude de Burson et al., ceux-ci montrent que l’effet Dunning-Kruger est présent pour les tâches faciles mais qu’il s’inverse pour les tâches difficiles : les plus mauvais performeurs sont les plus exacts dans leur estimation de leur niveau. Pour Tal Yakorni, « une bonne partie de l’effet Dunning-Kruger reflète (…) la tendance à se surestimer et/ou à utiliser son expérience subjective comme un indicateur de son niveau par rapport à d’autres ». En effet, « l’impression de facilité d’une tâche est utilisée pour savoir à quel point on est bon à cette tâche (…) Lorsqu’une tâche est difficile, la plupart des gens suppose qu’ils s’en sont relativement mal sortis par rapport aux autres. À l’inverse, lorsqu’une tâche est relativement facile (et les tâches étudiées par Dunning et Kruger étaient plutôt de cette sorte), la plupart des gens suppose qu’ils sont plutôt bons par rapport aux autres ».
Les limites de l’expertise (et de l’expérience)
Il est courant de penser que l’expérience (au sens d’ancienneté) et l’accumulation de connaissances soient les uniques voies de la sagesse et de la performance. On oublie que la remise en question est probablement la principale vertu de l’apprentissage pour devenir/rester bon et progresser, quel que soit l’âge. Une étude de 2012[2] sur les opérations de la thyroïde par exemple montre que les résultats sont dépendants de l’âge du chirurgien. Il existe un pic de performance (entre 30 et 50 ans) qui décroit ensuite avec l’expérience. Les auteurs avancent l’explication d’une certaine routine procédurale pour les praticiens chevronnés. Ces résultats sont cohérents avec d’autres études menées dans des spécialités différentes.
L’humilité est au cœur de tout progrès. La culture du doute fait normalement partie intégrante de la démarche scientifique. « La véritable science enseigne, par-dessus tout, à douter et à être ignorant », écrit Miguel de Unamuno, dans Le sentiment tragique de la vie. Dit autrement, dès lors que l’on se sait ignorant, on intègre déjà la posture vertueuse scientifique (sans nécessairement travailler dans les sciences) et l’on réduit ses propres erreurs d’appréciation.
Les certitudes sont assez fâcheuses pour apprendre et avancer. Quitte à vivre dans un univers bardé de sciences, autant y mettre l’attitude : nous ferions bien de développer une vraie culture du doute, de l’apprentissage serein de l’erreur et de l’échec, de reconnaissance saine de l’incompétence (la sienne et celle des autres) sans la moquer et la dénigrer… sauf à être aveugle de son incompétence sociale et pédagogique.
Chez L’Equipae, notre fer de lance est l’évolution de la posture professionnelle, naturellement mise à mal par les biais cognitifs que nous possédons tous. S’appuyer sur le collectif et faire preuve de méthode, par exemple grâce au co-développement, permet de lever les biais, trouver des solutions concrètes, développer la confiance dans la collaboration. Au plaisir de vous accompagner en ce sens !
[1] Kruger J, Dunning D – Unskilled and unaware of it : how difficulties in recognizing one’s own competence lead to inflated self-assessments, J Pers Soc Psychol. 1999 Dec ; 77(6) : 1121-34
[2] Duclos A et coll. – Influence of experience on performance of individuals surgeons on thyroide surgery : prospective cross sectional multicentre study, BMJ. 2012 Jan 10 : 344 :d8041, dans Journal International de Médecine, Quel âge a le chirurgien ?, 26 janvier 2012, Roseline Péluchon
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